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N° 24 - MAI 2015
 
 
L'abeille noire qui fut, pendant des millénaires, l'abeille commune devient une perle rare. Chaque semaine, nous recevons plusieurs courriers de gens qui comme vous et moi veulent travailler avec des abeilles noires. «Pouvez-vous me procurer des abeilles noires? M'indiquer où m'en procurer?»

Oui et non... la réponse n'est pas simple.

Une partie de notre action consiste à conserver des abeilles noires du mieux que nous pouvons dans un site spécifique. Mais nous n'envisageons pas de les reproduire systématiquement et intensivement pour répondre à l'ampleur de la demande. Ce serait, de notre point de vue jouer les apprentis sorciers, biaiser ce que sont les abeilles noires.  La biodiversité se dégrade. Est-ce en continuant les pratiques qui l'ont dégradée que nous inverserons la tendance? Faire de l'abeille noire un produit de masse a pour conséquence d'altérer son caractère qui dépend étroitement d'un mode de vie ou d'élevage, proches des conditions de vie sauvages.

Nous pensons préférable de cesser de marcher sur la tête, de réapprendre à faire avec la nature dont nous disposons, avec le projet de l'améliorer durablement. Il serait par exemple intéressant d'étudier l'intérêt que présentent pour une apiculture durable les abeilles métisses de noires, issues d'un procédé de multiplication naturel ou proche du naturel (excluant la stimulation et la sélection des souches mères par sirop, le picking, la fécondation en nucléi ou par insémination artificielle.) En bref il pourrait être intéressant de s'intéresser plus aux comportements de l'abeille et de l'homme qu'à une stricte correspondance avec des paramètres.

Au lieu de nous arracher les cheveux, face à la raréfaction des abeilles noires, réjouissons-nous donc de ce qui reste de noir et de sauvage dans les essaims d'abeilles qu'on peut trouver au printemps de ci de là accrochés aux arbres!

Une chose parait certaine, en matière d'apiculture, le XXe siècle a obtenu la palme des bourdes colossales. Et il urge de modifier nos comportements. A tous ceux qui nous demandent de l'abeille noire, nous conseillons donc de ranger leur carte de banque et de prendre le temps de chercher les colonies survivant près de chez eux, à l'écart du temps et de sa mode du toujours plus et du toujours plus vite. Selon les lieux où vous vivez, cherchez les colonies ronronnant aux mains d'un vieux prêtre, d'un cheminot, d'un vieux fou de retraité ou mieux totalement abandonnées par l'homme quelque part sous les ronces, au fond d'une cour de ferme, ne subissant quasi aucune pression d'élevage et survivant aux hivers de manière autonome depuis des décennies, comme le faisaient nos abeilles primordiales. C'est dans ces niches que vous pourrez trouver de la précieuse graine d'abeille noire, même si elle est imparfaitement noire.

Et ce que nous allons affirmer vous surprendra peut être encore plus: vos abeilles seront noires si vous voulez qu'elles le soient. C'est une parole que nous tenons de quelques amis, comme par exemple le docteur Dorian Pritchard, Président de la Sicamm. Ou plus simplement de Paul B, un homme qui vit depuis longtemps avec les abeilles: «il faut compter sept à huit ans pour qu'une abeille jaune devienne noire quand on la met dans une ruche tronc». Comprenne qui pourra. Ce n'est pas une phrase à prendre au pied de la lettre mais à méditer, les abeilles sont avant tout ce que nous en faisons. Or l'abeille noire s'est faite toute seule, et une manière de la retrouver est de donner à l'abeille les moyens de retrouver cette autonomie, de respecter sa nature, qu'elle soit pure ou métissée.

A propos de métissage, faisons un petit détour par la vie de Archibald Belaney dit «Grey Owl», dont la vie fut une façon d'affirmer une nouvelle fois que l'on est ce que l'on fait.

 
L’enfant qui rêvait d'être indien

Je ne vais pas vous raconter la vie d'Archibald Belaney, vous la trouverez dans ses livres, les biographies et les articles qui lui sont consacrés. Nous l'avons rencontré au détour du film que Richard Attenborough lui a consacré.

Ce que je peux vous dire c'est que Archibald Belaney «Grey Owl» (Chouette argentée) «était» un amérindien du Canada du début du vingtième. Il a écrit de nombreux articles et livres où il défendait la vie sauvage et coutumière de la faune des indiens du Canada, à une époque où cela ne se faisait pas: ni écrire et être publié si on était indien, ni défendre une nature que tous croyait taillable et corvéable à l'infini. Par ses écrits et ses conférences, «Grey Owl» a été l'un des tous premiers défenseurs de la nature et un précurseur du courant écologique moderne.

Sauf que Archibald Belaney était un «imposteur», il était né en Angleterre de parents anglais et écossais, à une époque où l'on ne rencontrait pas d'amérindien dans ce pays. C'était juste un enfant qui rêvait d'être indien. Un métis spirituel.

Et c'est ce qu'il a affirmé, à partir de ses 17 ans; en partant s'installer au Canada. Rencontrant les tribus Ojibwés, il se mit à apprendre leur langue, leurs coutumes et leurs traditions. Puis il adopta leur mode de vie. Ses qualités d'écrivain et ses rencontres firent le reste.

Était-il un imposteur? Aurait-il dû se montrer «tel qu'il était» au lieu de se «déguiser» lors de ses conférences et dès qu'il eut acquis une notoriété? Ces mots sonnent creux face à l'ampleur de ce qu'il a fait.

Ce qu'il a fait, c'est son travail d'«amérindien» et d'homme, sans nuire à qui que ce soit et en forçant le respect des tribus Ojibwés qui l'on accueilli et pour qui il était un des leurs.

Archibald Stansfeld Belaney à l'âge de trois ans, en Angleterre – Grey Owl et un de ses castors dans les années 1930 au Canada – Sources: Université de Laval, Canada – http://theses.ulaval.ca
Archibald Stansfeld Belaney à l'âge de trois ans, en Angleterre – Grey Owl et un de ses castors dans les années 1930 au Canada – Sources: Université de Laval, Canada – http://theses.ulaval.ca
 
Portrait de Grey Owl pris par Yousuf Karsh à Ottawa, le 27 février 1936 – Grey Owl vers 1937 au Canada – Sources: Université de Laval, Canada – http://theses.ulaval.ca
Portrait de Grey Owl pris par Yousuf Karsh à Ottawa, le 27 février 1936 – Grey Owl vers 1937 au Canada – Sources: Université de Laval, Canada – http://theses.ulaval.ca
 
C’est quoi être une abeille noire?

Le cheminement de «Grey Owl» rejoint notre orientation, notre travail lié au mode d'être des ruches troncs, de l'abeille noire et de l'apiculture traditionnelle.

Alors c'est quoi «protéger l'abeille noire» si toutes les abeilles sont noires ou peuvent le devenir ?

«Protéger l'abeille noire» c'est favoriser sa rusticité, en l'assistant au minimum, sauf contre les parasites étrangers au milieu (varroa, frelon asiatique, et à l'avenir le petit coléoptère de la ruche, Aethina tumida).

«Protéger l'abeille noire» c'est protéger les souches locales, celles qui sont habituées à leur environnement. Travailler avec les abeilles qui sont là, offertes par l'essaimage, sans les fatiguer plus qu'elles ne le font d'elles-mêmes, sans les transbahuter par monts et par vaux sur des terrains qui ne sont pas leur lieu de vie.

«Protéger l'abeille noire»
c'est protéger son intimité. C'est la laisser s'accoupler à qui bon lui semble et gérer son avenir génétique à sa guise.

«Protéger l'abeille noire»
c'est protéger son lieu de vie, la conserver en conservant son milieu, nécessaire à l'expression de son patrimoine génétique. Du temps des abeilles noires — comme on pourrait dire du temps des dragons — la nature était riche, les floraisons longues et intenses du fait de la diversité des pratiques agricoles et de l'ouverture des milieux. Pour retrouver l'abeille noire, il faut faire autre chose que poser ses ruches dans des endroits juteux. Il faut retrousser les manches, s'atteler avec les institutions et les citoyens volontaires à reconstruire ensemble le pays où les abeilles ne meurent pas. Ce qui est un grand projet.

Nous pouvons tous agir dans ce domaine, faire du simple, du concret, semer, planter, greffer, éclaircir les forêts, enrichir le paysage.

 
Ensemencer la terre comme «L’homme qui plantait des arbres»

C'est un but majeur de l'Arbre aux Abeilles, pour les années qui viennent. En lien avec d'autres réseaux et des passionnés d'autres régions, nous travaillons à réintroduire des plantes et des variétés qui ont nourri ici les hommes et les abeilles noires. Ce sera un des thèmes de la prochaine fête de l'abeille noire, les 7 et 8 novembre 2015. Il s'agit pour nous de «Conserver l'abeille noire en lui redonnant un cadre de vie favorisant sa nature ainsi que celle de tous les insectes pollinisateurs.»

Enrichir la nature ayant aussi pour conséquence d'enrichir les amérindiens métis imaginaires que nous sommes.

Cette démarche pratique est complémentaire d'une approche plus scientifique de la conservation de l'abeille noire. L'enjeu concret que nous partageons avec nos membres et amis scientifiques est le bienêtre de l'abeille, de l'apiculteur et de ceux qui mangent le miel. C'est à cette fin que nous recherchons et conservons l'abeille noire sous toutes ses formes, pures et métissées.

Alors aimez vos abeilles en rêvant qu'elles sont noires, sans y paraitre, elles le sont peut être déjà.

Une bien bonne soirée à vous.

L'équipe éditoriale