Notre doyen Paul Chapelle, âgé cette année de 98 ans (
voir et revoir le film «L'Arbre aux abeilles»), insiste sur l'urgence absolue de trouver à tout prix une manière efficace de résister au frelon asiatique. De plus en plus de colonies d'abeilles, domestiquées ou sauvages sont détruites par le frelon. Conscient de cette menace supplémentaire qui pèse sur les populations d'abeilles noires, voilà bientôt dix ans que nous recherchons des solutions, avec l'aide bénévole de scientifiques comme Bernadette Darchen et de jeunes ingénieurs comme Jérémie Laurent et François Espinet.
C'est... complexe, plus le frelon gagne de terrain, plus il apparait qu'une solution efficace doit être simple à mettre en œuvre, peut coûteuse, et doit permettre la destruction des nids qu'on ne parvient pas à localiser. Dans cette optique, nous nous sommes déjà intéressés aux
pratiques des apiculteurs d'Afrique du Nord, confrontés depuis longtemps à un frelon similaire. Leur pratique est basée sur un empoisonnement ciblé des frelons par un insecticide neurotoxique.
Cet empoisonnement peut paraître «biologiquement incorrect», si toutefois on a de la biologie une conception très détachée des réalités des abeilles et des agriculteurs. Goutte d'eau qui fait déborder le vase, le frelon asiatique tombe sur des colonies déjà accablées par pas mal d'handicaps: varroa, pesticides divers, flore mellifère souvent minable et bien d'autres facteurs peu médiatisés. Il s'en suit que les colonies succombent à la pression, au harcèlement exercé par les frelons, qui inhibent totalement le fonctionnement naturel de la colonie.
Bien que peu amateurs de substances toxiques, mais soucieux avant tout de la survie des abeilles, nous avons depuis deux ans testé la méthode «africaine». L'an dernier un protocole de trois séquences d'empoisonnement par semaine sur un rucher de 25 ruches très fréquentées par des frelons a permis de les réduire à une présence supportable. L'état des colonies était satisfaisant à la fin de l'été et les pertes hivernales et post hivernales des 25 colonies d'abeilles concernées sont restées dans les limites normales de ce rucher, soit
5%.
Les dégâts des frelons sur ce site auraient été comme les années précédentes de l'ordre de
70% si l'on avait adopté la stratégie du «laissons les abeilles apprendre à résister... (et continuons de notre côté notre existence douillette dans nos bureaux)».
C'est difficilement acceptable.